Le lundi, c’est poésie ! Les lys me semblent noirs, le miel aigre à outrance de Théodore Aggrippa d’ Aubigné

Les lys me semblent noirs, le miel aigre à outrance,
Les roses sentir mal, les œillets sans couleur,
Les myrtes, les lauriers ont perdu leur verdeur,
Le dormir m’est fâcheux et long en votre absence.

Mais les lys fussent blancs, le miel doux, et je pense
Que la rose et l’œillet ne fussent sans honneur,
Les myrtes, les lauriers fussent verts, du labeur,
J’eusse aimé le dormir avec votre présence,

Que si loin de vos yeux, à regret m’absentant,
Le corps endurait seul, étant l’esprit content :
Laissons le lys, le miel, roses, œillets déplaire,

Les myrtes, les lauriers dès le printemps flétrir,
Me nuire le repos, me nuire le dormir,
Et que tout, hormis vous, me puisse être contraire.

Théodore Agrippa d’Aubigné

Ce lundi, poésie entre dans le cadre du défi « Le Printemps des Artistes » proposé par Marie-Anne du blog  » La Bouche à Oreilles d’avril à juin 2023

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Le Lundi, c’est poésie !

La Normandie

Sa parure principale est la couleur verte
Car la pluie souvent y jette ses gouttelettes
Qui font briller les paysages de Normandie
Région entre la Bretagne et la Picardie

Région littéraire aussi,avec ses poètes
Et cet grand écrivain qui la conte
Si bien dans ses réalistes nouvelles
Guy de Maupassant il s’appelle

Au Havre naquit le talentueux Queneau
Qui l’évoque dans son livre un rude hiver
Pendant lequel bien obligé,penauds
Pour se réchauffer Jeanne brûlèrent pervers

Et au bord de la mer il y a plein de ville
Trouvillle Caen Deauville
Coincées entre Cherbourg et Dieppe

Et éventuellement pour savoir l’Eure
C’est une autre paire de Manche
Surtout si vers le Calvados on penche
Et on en bois plein de petits verres

Un jour futur je vous le dis
Nous irons en Normandie
Peut et bien que oui
Peut êtes bien que non

Jean JRieu

Le lundi, c’est poésie ! La soupe de la sorcière de Jacques Charpentreau

La soupe de la sorcière

Dans son chaudron la sorcière
Avait mis quatre vipères,
Quatre crapauds pustuleux,
Quatre poils de barbe-bleue,
Quatre rats, quatre souris,
Quatre cruches d’eau croupies.

Pour donner un peu de goût
Elle ajouta quatre clous.
Sur le feu pendant quatre heures
Ça chauffait dans la vapeur.
Elle tourne sa tambouille
Et touille et touille et ratatouille.
Quand on put passer à table
Hélas c’était immangeable

La sorcière par malheur
Avait oublié le beurre.

Jacques Charpentreau

A propos de l’auteur:

Né aux Sables-d’Olonne , le 25/12/1928 décédé à Paris le 08/03/2016.

Il a été instituteur, puis professeur de français dans le 13e arrondissement de Paris (collège Moulin-des-Prés). Son œuvre compte une trentaine de recueils de poésies, dont « La Fugitive » (2000) mais aussi des contes, des nouvelles, des essais et des dictionnaires.La poésie de Jacques Charpentreau s’est développé en dehors de toute chapelle, privilégiant le plaisir du lecteur, le chant, le rythme, sans jamais s’enfermer dans un système. Elle a reçu plusieurs Prix littéraires (Grand Prix de la Société des Poètes Français, Prix de la Société des Gens de Lettres, de la Maison de Poésie, Prix Alfred de Vigny, Grand Prix des Poètes de la Sacem, etc..).

Pour ses ouvrages à l’intention de la jeunesse, il a reçu le Prix Jeunes Années et le Prix de la Fondation de France.
Il a écrit le « Dictionnaire de la chanson française », avec France Vernillat (Larousse, 1983) et le « Dictionnaire des poètes », avec Georges Jean (Gallimard, 1983). En 2006, il a publié un « Dictionnaire de la poésie française » aux éditions Fayard, qui a reçu le Prix Georges Dumézil de l’Académie française.


Il fait partie des « Poètes contemporain » dont l’étude est recommandée par le ministère de l’Éducation Nationale parmi « Les œuvres classiques ». Il a été président de la Maison de Poésie – Fondation Émile Blémont et s’employa sans relâche à défendre la poésie contemporaine auprès des jeunes lecteurs. ( Source Babelio– via http://www.printempsdespoetes.com )

Lundi, c’est poésie !

Automne

Vois ce fruit, chaque jour plus tiède et plus vermeil,

Se gonfler doucement aux regards du soleil !

Sa sève, à chaque instant plus riche et plus féconde,
L’emplit, on le dirait, de volupté profonde.

Sous les feux d’un soleil invisible et puissant,
Notre cœur est semblable à ce fruit mûrissant.
De sucs plus abondants chaque jour il enivre,
Et, maintenant mûri, il est heureux de vivre.

L’automne vient : le fruit se vide et va tomber,
Mais sa gaine est vivante et demande à germer.
L’âge arrive, le coeur se referme en silence,
Mais, pour l’été promis, il garde sa semence.

Ondine Valmore

Ondine Valmore est une poétesse et femme de lettres française née à Lyon le  2 novembre 1821 et morte le 12 février 1853 (à 31 ans)

Ondine publia quelques courts recueils de poèmes et de contes. Ayant passé une grande partie de sa vie avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, le thème de la mort et du cycle de la vie, symbolisés par le motif de l’automne et de l’hiver, sont très présents dans ses œuvres, attestant aussi d’une écriture paradoxale de la joie des instants précieux à savourer.

Le lundi, c’est poésie : Mignonne, allons voir si la rose de Pierre de Ronsard

A Cassandre

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.

Pierre de Ronsard, Les Odes

Pierre de Ronsard, né en septembre 1524 au château de la Possonnière, près du village de Couture-sur-Loir en Vendômois, et mort le 27 décembre 1585 au Prieuré Saint-Cosme de Tours , est un des poètes français les plus importants du XVI siècle. « Prince des poètes et poète des princes »

Aube de Cécile Périn

Aube

Un invisible oiseau dans l’air pur a chanté.
Le ciel d’aube est d’un bleu suave et velouté.

Écoute ! un autre nid s’éveille, un autre nid,
Et c’est un pépiement éperdu qui jaillit.

C’est le premier oiseau qui s’éveille et qui chante.
Écoute ! les jardins sont frémissants d’attente.

Qui chanta le premier ? Nul ne sait. C’est l’aurore.
Comme un abricot mûr le ciel pâli se dore.

Qui chanta le premier ? Qu’importe ! On a chanté.
Et c’est un beau matin de l’immortel été.

Cécile Périn

A propos de l’auteur ;

Cécile-Élisa Martin est née à Reims le 29 janvier 1877. Elle épouse George Périn, qui est aussi poète ; ils ont une fille, Yvonne. Le couple fréquente l’Abbaye de Créteil, une association communautaire d’artistes. Cécile Périn est membre des Poètes du Divan (revue de littérature et d’art) et collabore aussi au Beffroi. (source Wikipédia)

Là-haut vers les étoiles de Sandrine Davin

Je suis plantée, là, derrière la fenêtre.
Je suis là, seule.
Le silence frappe violemment le mur.
Tellement fort que je l’entends cogner à mes oreilles sourdes.
La pièce est sombre et exiguë.
Le souffle est court.
En regardant par la fenêtre la lune est ronde.


Enfin je crois.
Elle est un peu loin quand même.
Le balai des étoiles a commencé.
En voilà une, puis deux, trois … Une dizaine et bien plus encore.
Le contour du ciel n’a pas de limite. Je cherche un point de chute mais il n’y en pas.

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Par-delà tout ça, je l’aperçois.
Grand-père, tu es là.
Ton visage vieilli est redevenu enfant.
Plus de ride juste un sourire au creux des lèvres.

Tout n’est peut-être qu’illusion
Dans le brouillard de mon être.

Sandrine Davin

Sandrine DAVIN est née le 15 décembre 1975 à Grenoble (France) où elle réside toujours. Elle est auteure de poésie contemporaine inspirée des tankas, elle a édité 12 recueils de poésie dont le dernier s’intitule « Rouillure » chez TheBookEdition. Ses ouvrages sont étudiés par des classes de l’enseignement primaire et au collège où Sandrine intervient auprès de ces élèves. Elle a ce goût de faire partager la poésie au jeune public et de donner l’envie d’écrire…(source Poetica )

Musique sur l’eau de Albert Semain

Oh ! Écoute la symphonie ;
Rien n’est doux comme une agonie
Dans la musique indéfinie
Qu’exhale un lointain vaporeux ;

D’une langueur la nuit s’enivre,
Et notre cœur qu’elle délivre
Du monotone effort de vivre
Se meurt d’un trépas langoureux.


Glissons entre le ciel et l’onde,
Glissons sous la lune profonde ;
Toute mon âme, loin du monde,
S’est réfugiée en tes yeux,

Et je regarde tes prunelles
Se pâmer sous les chanterelles,
Comme deux fleurs surnaturelles
Sous un rayon mélodieux.

Oh ! écoute la symphonie ;
Rien n’est doux comme l’agonie
De la lèvre à la lèvre unie
Dans la musique indéfinie…

Albert Samain.

Extrait du recueil Au jardin de l’infante (1893).

Poète français né à Lille le 3 avril 1858 et décédé à Magny-les-Hameaux le 18 août 1900.

Une des originalités de Samain est l’utilisation du sonnet à quinze vers. Après sa mort, ses poésies sont réimprimées un nombre considérable de fois. De nombreux musiciens composent des mélodies sur ses textes, parmi lesquelles plusieurs chefs-d’œuvre, comme Ilda de Nadia Boulanger, Arpège de Gabriel Fauré, l’opéra Polyphème de Jean Cras ou La Maison du matin d’Adrien Rougier. Son œuvre a également inspiré le sculpteur Émile Joseph Nestor Carlier (1849-1927) qui réalise à partir de celle-ci La Danseuse au voile et Pannyre aux talons d’or, en 1914.

Gérard Souzay – Topic

… Faure (1950) ℗ 2000 Naxos Classical Archives Released on: 2000-01-01 Composer: Albert Samain Composer: Gabriel Faure .

Ce poème entre dans le cadre du défi « Le Printemps des Artistes » proposé par Marie-Anne du blog  » La Bouche à Oreilles d’avril à juin 2022.

Le Lundi, c’est poésie !! Janvier est revenu de Victor Hugo.

Janvier est revenu

Janvier est revenu. Ne crains rien, noble femme !
Qu’importe l’an qui passe et ceux qui passeront !
Mon amour toujours jeune est en fleur dans mon âme ;
Ta beauté toujours jeune est en fleur sur ton front.

Sois toujours grave et douce, ô toi que j’idolâtre ;
Que ton humble auréole éblouisse les yeux !
Comme on verse un lait pur dans un vase d’albâtre,
Emplis de dignité ton cœur religieux.

Brave le temps qui fuit. Ta beauté te protège.
Brave l’hiver. Bientôt mai sera de retour.
Dieu, pour effacer l’âge et pour fondre la neige,
Nous rendra le printemps et nous laisse l’amour.


Victor Hugo

@Fietzfotos – Pixabay

Le Lundi, c’est poésie ! Sonnets pour Hélène de Pierre de Ronsard

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle

Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle !

Lors, vous n’aurez servante oyant1 telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :

Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

Pierre de Ronsard – 1578