Dans le cadre des Feuilles Allemandes de novembre 2022, organisées par Patrice, Eva et Fabienne, je vous parlerai de la poésie de Goethe, traduite par Anna Griève . Dans son ouvrage « Le Processus d’individuation chez Goethe », elle analyse plusieurs poèmes de Goethe. Ces poèmes sont donnés ici en allemand et en français. Le texte allemand est repris de la Hamburger Ausgabe. La traduction en français est d’Anna Griève.
Im Herbst 1775
Fetter grüne, du Laub’,
Am Rebengeländer,
Hier mein Fenster herauf.
Gedrängter quillet,
Zwillingsbeeren, und reifet
Schneller und glänzend voller.
Euch brütet der Mutter Sonne
Scheideblick, euch umsäuselt
Des holden Himmels
Fruchtende Fülle.
Euch kühlet des Monds
Freundlicher Zauberhauch,
Und euch betauen, ach,
Aus diesen Augen
Der ewig belebenden Liebe
Volle schwellende Tränen.

Autmone 1775
Verdis plus dense, feuillage
De la vigne montante
Ici le long de ma fenêtre.
Jaillissez plus serrées
Baies jumelles, et mûrissez
Plus vite, de plénitude plus luisantes.
De chaleur maternelle vous entoure
Le regard d’adieu du soleil, le souffle fécondant
Du ciel inépuisable
De bienveillance vous environne,
Vous rafraîchit l’effluve
Magique de la lune amie,
Et de ces yeux, hélas,
Tombent en rosée sur vous
De l’amour éternellement vivifiant
Les larmes, les très lourdes larmes.
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Auf dem See
Und frische Nahrung, neues Blut
saug’ ich aus freier Welt ;
Wie ist Natur so hold und gut,
Die mich am Busen hält !
Die Welle wieget unsern Kahn
Im Rudertakt hinauf,
Und Berge, wolkig himmelan,
Begegnen unserm Lauf.
Aug mein Aug, was sinkst du nieder ?
Goldne Träume, kommt ihr wieder ?
Weg, du Traum, so gold du bist :
Hier auch Lieb und Leben ist.
Auf der Welle blinken
Tausend schwebende Sterne,
Weiche Nebel trinken
Rings die türmende Ferne ;
Morgenwind umflügelt
Die beschattete Bucht,
Und im See bespiegelt
Sich die reifende Frucht.
(Juin 1775)

Sur le lac
Et du libre univers nourriture nouvelle
En moi j’aspire, sang neuf dans mes veines ;
Comme Nature est bienveillante et bonne
Qui me presse contre son sein !
La vague berce notre barque
Vers l’amont au rythme des rames,
Et les montagnes, dressées dans les nuages,
Rencontrent notre course.
Mes yeux, mes yeux, pourquoi vous fermez-vous ?
Rêves dorés, revenez-vous ?
Va-t-en, rêve, si doré que tu sois ;
Ici aussi est l’amour, ici aussi la vie.
Sur la vague scintillent
Mille étoiles flottantes,
Les brumes moelleuses boivent
Les hautes masses des lointains alentour ;
La brise du matin volète
Sur les bords de la baie ombreuse,
Et dans le lac se reflète,
Mûrissante, la moisson à venir.
A propos de l’auteur Anna Griève (1937 – 2021)
Elle est normalienne et agrégée d’allemand. Elle consacre ses recherches au
romantisme allemand, à l’œuvre de Goethe et de C. G. Jung.
Sa carrière se déroule ensuite dans un lycée où elle est chargée de la classe de Lettres Supérieures.
A travers des textes inédits, une approche tantôt poétique, tantôt analytique de l’aventure intérieure, sous-tendue par une réflexion psychologique et éthique qui l’amène à penser la double nature du mal et l’existence d’un mal radical, qu’elle s’attache à définir. Elle applique cette distinction tant à l’interprétation des contes merveilleux et de certaines œuvres littéraires qu’à la compréhension d’événements historiques et de phénomènes de société.
Anna Griève a publié un ouvrage intitulé « Les Trois corbeaux, ou la science du mal dans les contes merveilleux » (Imago, février 2010)

Poésie dans le cadre des Feuilles allemandes.