Cette poésie est présentée dans le cadre du mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran

L’ÎLE
la guerre n’a jamais cessé. je me suis souvenu de l’aube quand
j’ai quitté ma maison. elle était partout la guerre. derrière la porte
elle tenait une hache. sur le lit elle a recroquevillé son corps
enveloppé dans une peau de loup.
elle ressemblait à un paon qui me regardait avec suspicion
et se préparait à me becqueter les mains. sur les fenêtres
elle baissait les stores. elle se cachait pour que je ne la voie pas.
je savais qu’elle respirait dans ma nuque
elle a attaché mon souffle et rendu transparentes les choses
auxquelles j’ai consacré ma vue.
elle s’adressait à moi avec mépris :
toi qui mâches le silex tu vas attendre avant de le regagner.
tu vas apprendre à te souvenir de ce que tu as oublié
je suis ta connaissance qu’éveillé tu as prédite
ce que tu vas voir en te retournant ce sera l’obscurité
le père qui ne va jamais revenir
la mer dont la flamme va venir
qui va te rendre sourd.
qui est plus fort que la guerre
moi à qui personne ne demande rien
l’île dont ne restera que le nom
un usurier qui va m’endetter
l’arme qui tue avant d’être forgée
ou le serpent qui monte à l’endroit auquel il n’appartient pas.
Poèmes de Jovan Zivlak publiés par les éditions L’Oreille du Loup. Traductions par Tanja Pekic et Jean Portante.
Jovan Zilvak,
Il est né le 9 octobre 1947 à Nakovo, en Voïvodine, province autonome de Serbie, est écrivain et poète serbe. Il habite à Novi Sad.
Diplômé en langue et littérature serbes, est directeur de la maison d’édition Adresse (Adresa), de la revue Zlatna Greda et du festival international de littérature de Novi Sad (Serbie). Il a publié quinze livres de poésie et deux anthologies : Poèmes (2006) et Au-dessous des nuages (2014). Son essai le plus récent s’intitule Les fantômes de la poésie (2016). Nombre de ses livres sont traduits en polonais, espagnol, français, allemand… Il a publié trois livres en français, dont le dernier est Le roi des oies (2014), traduit par Tanja Pekic et Jean Portante, et publié aux éditions L’Oreille du loup. Zivlak a remporté environ vingt prix en Serbie et à l’étranger pour sa poésie. ( source – Poésie du monde )
Merci Claude, c’est un très beau poème. J’aime beaucoup par exemple « rendu transparentes les choses auxquelles j’ai consacré ma vue »
J’aimeJ’aime
Très émouvante à lire cette poésie, surtout en ce triste moment.
Merci Claude.
J’aimeJ’aime
Merci Eveline !!
J’aimeJ’aime